Le retour d'Arthur B - Jean Baptiste Pellier

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Messagede Xaneaze » Mar 3 Mar 2015 20:38

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On raconte alors que le roi Arthur reviendra un jour et que les Bretons doivent espérer son retour…

« Le retour d’Arthur B » est le premier roman du jeune auteur Jean-Baptiste Pellier, paru chez Daphnis et Chloé qui décidément fait la part belle aux nouvelles plumes. On ouvre le livre sur un titre énigmatique…Arthur B ?…B ? Pourquoi ce B ? Une aura de mystère nimbe déjà l’œuvre. L’histoire nous raconte les frasques du journaliste Nicolas Donevski que tout le monde appelle « Dony ». Ce protagoniste est un condensé de tout ce que l’on déteste le plus chez l’homme moderne. Le héros est perclus de défauts. Il est égocentrique : « Comme je l’aimais ce joli visage qui m’avait tant aidé et si souvent tiré d’affaire (…) C’est un sacré tourment d’avoir l’air de se foutre de son apparence ». Cet homme est un asocial qui se moque des gens, un vrai misanthrope qui ramène toujours tout à sa petite personne. Il ne se projette qu’à travers son filtre et rejette l’autre toujours de façon cynique : « J’en fus triste un court instant, songeant qu’il n’était pas de bon goût de se moquer de quelqu’un de gentil comme Huguette, puis je me rappelai que le bon goût m’était une chose étrangère ».
L’histoire peut se diviser en deux grands mouvements. Elle débute alors que Dony est journaliste, il se fait virer car il dépasse les limites de la décence. Son directeur qui le couvre sans cesse ne peut plus rien faire pour lui. Toujours ancré dans ses excès, Nicolas va pousser l’arrogance jusqu’à s’attirer les foudres d’un groupe de féministes donnant au livre quelques scènes croustillantes et très drôles : « Les insultes plurent en rang serré et aux traditionnels « fascistes » s’ajoutèrent bientôt des « fils de pute », « enculé » et même « pédé ». J’eus un soubresaut à l’audition de ce dernier mot et, me tournant vers la concierge toujours prostrée à quelques mètres de là afin de la prendre à témoin, je m’exclamai : – Pédé ! C’est l’hôpital qui se fout de la charité, ma bonne Valeria (…) Aujourd’hui, nous nous battons ! ». Finalement, ses frasques auront raison de sa sécurité. Contraint et forcé, il devra accepter un reportage commandé par un ancien ami pour se faire oublier un peu.
La deuxième partie du livre commence ici. Dony doit se rendre dans une ville côtière du nom de Nazaret. Le goulag, le bout du monde pour le protagoniste. Lui, l’arrogant, le cynique, le fier dans une ville de bouseux et de retardés. C’est donc l’esprit embué de préjugés qu’il arrive dans cette bourgade. Nazaret vit essentiellement de ses chantiers navals, or ils sont en pleine crise et menacent de fermer, propulsant une grande partie des habitants au chômage, dans une région déjà sinistrée. La ville se présente comme un lieu froid et sinistre. L’auteur a réellement réussi à retranscrire, grâce à sa plume, cette ambiance austère, lugubre et orageuse en totale opposition par rapport au héros. Quand l’écriture vient embellir la ville… Jean-Baptiste Pellier use de la métaphore pour finalement rendre honneur à cet endroit grâce à la magie des mots. Un vrai régal à lire : « Cet univers uniformément austère, aux lignes épaisses et perpendiculaires, m’évoquait un peu ces cadavres de bunkers qui jonchent certaines plages de la côte bien que l’échelle en fût ici démultipliée. L’absence totale de mouvement, de toute présence humaine, me sidéra. Je glissai le long de murs écorchés dont la couche extérieure avait été partiellement arrachée par l’érosion. Sous l’une de ces blessures étaient apparues trois barres d’acier prisonnières du béton et qui donnaient l’impression qu’un diable véhément, s’étant égaré par ici, avait filé un terrible coup de griffe au mur qui en portait à présent le stigmate. Des sacs en plastique volant à l’air libre s’étaient éventrés sur les rangées de fil barbelé qui gardaient le toit de certains bâtiments, leurs spasmes agonisants avaient quelque chose de pathétique. Je ne fus pas mécontent d’atteindre une seconde écluse quelques minutes plus tard et de laisser derrière moi ces chantiers qui restent encore dans mon esprit l’illustration la plus éloquente du mot désolation ». L’écrivain nous gratifie de plusieurs passages descriptifs dans le livre d’une grande qualité et laisse entrevoir un grand potentiel d’écriture à travers son premier roman.
Dony vit comme un loup solitaire, sans cesse en quête de proies sexuelles. A peine arrivé à Nazareth, son instinct de chasse reprend le dessus. Faisant confiance à son mojo, il jette son dévolu sur Anna, la fille de ceux qui le logent. Toute la psychologie du personnage est décortiquée dans un passage. Le héros est rompu à la séduction, toujours sûr de lui, il échafaude un plan pour se rendre irrésistible et faire craquer la jeune femme. Appréciez la méthodologie du protagoniste, une vraie tranche d’humour : « Mon cœur fit un bond dans ma poitrine. Anna ! (…) Il y avait une fille dans les parages ! (…). Très bien, songeai-je, à présent du discernement et de l’habileté (…) Nom de Dieu, elle est superbe ». Toute cette scène nous dépeint Dony avec une misogynie sans équivalent mais c’est hilarant à lire, voir le héros s’évertuer à brasser du vent, toujours imbu de lui-même, c’est un vrai régal ! Nazareth sera une vraie épreuve pour lui.
Le journaliste, dans son odyssée, va rencontrer une jeune collégienne, Marion. L’épreuve débute dès le premier regard : « – On ne t’a jamais dit que c’est très malpoli de fixer les gens comme ça mon garçon ? (…) – Garçon ? répondit-il l’air écœuré. Je suis pas un garçon, je suis une fille ! (…) – Une fille ? Répétai-je, ahuri. Qu’est-ce qui est arrivé à tes cheveux ? ». Comme d’habitude, pas un mot d’excuse, simplement ce cynisme qui caractérise bien le héros. Pourtant cette rencontre va amorcer un nouveau mouvement dans le roman car la fille va demander de l’aide à Dony. En échange, elle l’aidera à intégrer les rudes chantiers où il doit mener son enquête. Ainsi, en parallèle, il va faire équipe avec la jeune Marion pour tenter d’élucider la disparition d’Arthur B. Cette recherche sera le prétexte pour créer une mutation chez Nicolas Donevski et la collégienne, tous deux devront régler leurs problèmes avec de vieux démons, changer pour avancer. Arthur B, plus qu’un mystère, c’est une quête initiatique où chaque protagoniste va devoir aller puiser dans ce qu’il a de plus profond en lui pour s’élever vers la lumière : « Pourquoi t’effrayes-tu? – Il est de l’homme comme de l’arbre. Plus il veut s’élever vers les hauteurs et la clarté, plus profondément aussi ses racines s’enfoncent dans la terre, dans les ténèbres et l’abîme. » (Ainsi parlait Zarathoustra – Nietzsche). De ce duo improbable va naître une vraie complicité, on s’attache énormément aux personnages, chacun va apprendre de l’autre et le pousser dans ses derniers retranchements afin que la chrysalide s’opère.
A travers une écriture simple et imagée, l’auteur a écrit un magnifique premier roman. Tout y est : suspense, humour, dérision. La qualité de cette œuvre réside aussi dans le rythme de l’histoire, elle ne s’essouffle pas et ne souffre d’aucun ralentissement. La plume de Jean-Baptiste Pellier est précise, incisive et riche de métaphores. L’écrivain a vraiment réussi à créer une ambiance et à donner une couleur à ce roman. La psychologie des personnages a vraiment été fouillée, on a une galerie de portraits vraiment bien brossée sans manichéisme. Dony, le héros du livre, qui est au demeurant ce qui peut se faire de pire en terme de « salopards », devient attachant. On comprend que derrière tous ses défauts se cache un être sensible. J’ajouterai que j’aimerai revoir ce héros dans un autre épisode, dans une sorte de saga. En approchant des dernières pages, quand le papier entre nos mains se fait moins épais, un sentiment de tristesse nous envahit, celui de terminer l’histoire et de quitter ce journaliste surprenant. Encore une perle de l’éditeur Daphnis et Chloé qui a su encore une fois dénicher un jeune auteur frais et talentueux. J’ai passé un agréable moment de lecture et j’espère que cela sera pareil pour vous.
J’ai débuté cette chronique sur un clin d’œil par rapport au titre du livre : « On raconte alors que le roi Arthur reviendra un jour et que les Bretons doivent espérer son retour… ». Il faut toujours espérer et comme nos héros dans ce livre, nous avancerons dans notre quête personnelle : « Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs que l’ordre du monde » (Discours de la méthode – Descartes).
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Messagede Dark » Lun 13 Juil 2015 23:18

tu l'as lu :?:


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Messagede Xaneaze » Jeu 23 Juil 2015 08:43

Oui bien évidemment ;)
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Messagede Dark » Jeu 23 Juil 2015 20:59

Xaneaze a écrit:
Oui bien évidemment ;)



alors .... :?:


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Messagede Xaneaze » Jeu 23 Juil 2015 22:24

Très bon livre ;)
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Messagede Dark » Jeu 23 Juil 2015 22:26

Je le recommande à ambre alors


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Messagede Xaneaze » Jeu 23 Juil 2015 22:57

Le début est assez osé mais drole, le reste est vraiment sympa :)
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Messagede Dark » Ven 24 Juil 2015 03:30

Xaneaze a écrit:
Le début est assez osé mais drole, le reste est vraiment sympa :)



Je te dirais ....mon ressenti



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