[La Différence] Coup de chaud à la Butte-aux-Cailles - Yves

Modérateurs: Xaneaze, Antoine

[La Différence] Coup de chaud à la Butte-aux-Cailles - Yves
Xaneaze Hors ligne


Avatar de l’utilisateur
 
Messages: 6896
Inscription: Mer 21 Sep 2011 14:32
Localisation: Chambéry

Messagede Xaneaze » Mer 8 Avr 2015 09:01

Image

« Coup de chaud à la Butte-aux-Cailles » est un roman policier écrit par Yves Tenret. Ce livre entre dans le cadre d’une nouvelle collection créée par les éditions de la Différence qui continuent à diversifier son offre auprès du lecteur.
Ce roman noir nous raconte l’histoire dissolue de Walter Milkonian, professeur mis à la retraite de force après de nombreux écarts de conduite : « Combien de fois êtes-vous venu ivre ce dernier semestre ? ». Partant de cet évènement là, toute sa vie va sombrer dans une douce déchéance où l’homme se laissera aller.
Chassé de chez lui, il va vivre chez son ami César, surnommé « le gros« . « Le gros« , c’est ce pote que l’on a tous, qui s’occupe de tout sauf de lui. Ce gamin, à qui malgré l’âge, il faut donner des leçons : « Là, fallait reconnaître que dans le genre faux problème et enfantillage sans intérêt, ces derniers temps, il était devenu champion olympique de la catégorie ! ». Walter a du mal à le supporter mais après tout, il lui a tendu la main alors qu’il était à la rue.

Le décor est ainsi planté. L’intrigue prend part autour de la disparition de 4 amis de Walter. Jusque-là, on pourrait se dire que le sort s’acharne mais que penser lorsque la coïncidence révèle que César se trouve toujours à proximité direct des victimes : « Il y avait quelque chose de pourri à la Butte-aux-Cailles ».
Partant de ce postulat, le protagoniste principal va mener sa petite enquête de quartier. En effet, l’auteur nous balade au gré des turpitudes du héros. Et par ce biais là, nous allons découvrir toute une galerie de personnages taillés à la serpe. L’intrigue se déroule dans le quartier du XIIIème arrondissement, celui de la Butte-aux-Cailles, un vrai village dans la région parisienne avec ses codes, ses mœurs et ses petites magouilles. Par sa plume, l’écrivain redonne vie à des endroits gravés dans notre inconscient collectif. La Butte-aux-Cailles est en réalité une bourgade où tout le monde se côtoie, se toise, s’épie et porte des jugements sur les autres. En lisant ce roman, je n’ai pu m’empêcher d’avoir à l’esprit des figures croqués par Bukowski. Certes, la comparaison est osée mais dans cette histoire, dans cette relation qu’ont les personnages semblant perdus entre eux, on retrouve des similitudes avec « Pulp ».
Pour décrire les hommes et les femmes, Yves Tenret utilise des accumulations et des énumérations : « Il y en avait deux au bar et deux dans la salle, elle, épaules crispées, long cou, cheveux noirs, épaisses lunettes, grosses boucles d’oreilles, chaîne en or, petites dents saines, pas de lèvres supérieure, bracelet en poil d’éléphant, pull noir modeste; lui, ni montre, ni bijoux, épaules larges, tombantes, système pileux abondant mais discipliné, sweat à capuche bon marché gris anthracite, pull vert algue, corps fin, souple ». L’effet peut-être déroutant mais au final il sert bien l’œuvre. Il permet de mettre en mot les pensées du héros, montrant la confusion dans laquelle il est. Balayant toutes les phrases, il va au plus direct : le mot juste. Au final, on obtient une galerie de personnages entiers, crus mais profondément humains. Le tout est saupoudré d’une gouaille caractéristique, avec un soupçon d’argot : « Daniel, sans barguigner, lui servit au comptoir le double express ». L’écrivain prend soin dans son livre de nous décrire l’homme dans sa réalité et non pas tel qu’il devrait être. Aucune place n’est laissée aux artifices. Il ne sert à rien d’aller contre sa volonté lorsque tout le monde vous épie.
Que recherche les acteurs de cette histoire ? Bousculés par les aléas de l’existence, ils s’accrochent chacun à quelques espoirs de vie meilleure : « Faut que vous arrêtiez de toujours revenir à des choses négatives. Cessez de parler des morts. Soyez positifs ! Il faut être positif dans la vie, gronda Park Yun, sans fixer personne en particulier. C’est étrange, pensa Walter, comme les gens qui disent et répètent qu’il faut être positif dégagent toujours une impression de forte tristesse ». On remarque qu’ils sont tous dans une posture d’attente et non de recherche. Leur chance est passée et le piège de ce village du XIIIème arrondissement semble s’être refermé sur eux. Difficile de s’en extirper… On se retrouve au village des déchus de la vie : « Tout le monde regardait, qui ses pieds, qui l’horizon lointain. Maintenant, Park Yun feignait de s’en foutre, mais Walter savait que ce n’était pas le cas. Il le savait parce qu’il savait ce qu’elle ressentait. Lui aussi, il était passé par là. Il savait ce que c’était de n’être rien, moins que rien, et de ne pas arriver à l’accepter. Il savait ce que c’était de crever la trouille lorsque quelqu’un vous flanquait par terre – pas parce que vous aviez fait quelque chose de mal ou que vous vous en étiez pris à lui mais seulement parce que vous étiez incapable de rendre les coups, parce que les autres avaient envie de vous voir ramper, de vous sauter, de vous baiser, de vous enculer, ou simplement parce qu’ils avaient mal au crâne, ou que la couleur de vos cheveux ou celle de votre peau ne leur revenait pas ». Tout le monde erre sans but précis. La vie des autres devient fiction et l’on suit leur existence car on ne pense plus la sienne. Toute révolte semble vaine au delà de la petite couronne. Mais dans l’ombre, des gens travaillent et mène une existence dont beaucoup en tire un profit sans se préoccuper de la condition de l’autre. Il y a un fossé profond entre deux sentiments que cependant l’auteur a bien su relier. Dans ce quartier, la solitude et la misère des gens à tous les niveaux s’échouent au bar « Les Barreaux » mais sont traitées cependant avec une certaine pointe d’humour qui donnent une vraie tendresse aux gens. L’effet pourrait essouffler le lecteur, cependant, il vient apporter une touche humaine au protagoniste : « Park Yun, elle, n’aimait personne. Park Yun était énervée. Elle était toujours énervée. Park Yun parlait beaucoup et n’écoutait jamais. Park Yun était en colère. Elle était toujours en colère. Park Yun voulait se marier mais ne voulait pas se marier. Park Yun voulait juste arrêter de se battre nuit et jour pour survivre. Park Yun était fatiguée et elle savait qu’elle n’avait pas le droit de le montrer sous peine de se faire piétiner ».
L’histoire se termine avec une chute inattendue…A cette occasion, l’écrivain nous fait un dernier clin d’œil : « Bordel de Dieu, ça allait être terriblement difficile de lui vendre cette histoire, à elle, aux autres, à vous et à n’importe qui, non ? »

« Coup de chaud à la Butte-aux-Cailles » est un livre frais qui dépoussière le genre, une lecture qui tranche avec les lieux communs du genre. Ce polar se lit rapidement et vous permettra de passer un agréable moment avec des personnages qui malgré leurs défauts deviennent terriblement attachants.

Titre : Coup de chaud à la Butte-aux-Cailles

Auteur : Yves Tenret

Éditeur : Éditions de la Différence

ISBN : 978-2-7291-2159-4
"Un palmarès se construit sur la passion des autres, on dépend de l'anonymat et de la passion partagée d'une écurie...." Jacky Ickx


Dark Hors ligne


Avatar de l’utilisateur
 
Messages: 23536
Inscription: Mar 31 Mai 2011 22:30

Messagede Dark » Mer 8 Avr 2015 09:47

original....a lire donc


Antoine Hors ligne


Avatar de l’utilisateur
 
Messages: 7339
Inscription: Sam 10 Déc 2011 14:51
Localisation: Provence Alpes Côte d'Azur

Messagede Antoine » Mar 14 Avr 2015 13:40

Mais comment y fait pour lire autant ?
Antoine. L'homme est la pièce rapportée de la Nature : il passe son temps à mesurer...


Xaneaze Hors ligne


Avatar de l’utilisateur
 
Messages: 6896
Inscription: Mer 21 Sep 2011 14:32
Localisation: Chambéry

Messagede Xaneaze » Mar 14 Avr 2015 21:05

L auteur est super sympa, tu t entendrais bien avec lui ;)
"Un palmarès se construit sur la passion des autres, on dépend de l'anonymat et de la passion partagée d'une écurie...." Jacky Ickx


Antoine Hors ligne


Avatar de l’utilisateur
 
Messages: 7339
Inscription: Sam 10 Déc 2011 14:51
Localisation: Provence Alpes Côte d'Azur

Messagede Antoine » Ven 17 Avr 2015 21:03

Sa couverture Facebook est curieusement curieuse...
Antoine. L'homme est la pièce rapportée de la Nature : il passe son temps à mesurer...



Retourner vers Littérature

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 2 invités