MORT de Henry Worsley
Posté: Ven 29 Jan 2016 23:34
Henry Worsley lors de sa dernière course sans assistance au pôle sud, 2015-2016.
Il voulait, comme son héros Ernest Shackleton il y a un siècle, traverser l'Antarctique en passant par le pôle Sud. L'expédition en solo d'Henry Worsley, 55 ans, vient de connaître une issue tragique.
Il faudra qu'un jour des médecins impartiaux se penchent sur cette question : pourquoi les citoyens britanniques sont-ils, depuis des siècles, les princes de l'aventure extrême, les champions des défis (presque) perdus d'avance ? Qu'ont-ils dans le sang, dans les gènes, dans l'âme, qui les aide ainsi – de William Baffin à David Livingstone – à repousser les limites du raisonnable pour être (ou espérer être) les premiers à fouler des terres vierges et réputées inatteignables ?
S'ils n'ont pas le monopole de l'expédition « pour la beauté du geste » (après tout, nous Français avons aussi nos seigneurs de l'extrême), les Anglais semblent avoir ce petit grain de folie supplémentaire, cette indéboulonnable foi en leurs capacités confinant à l'arrogance, et ce désir brûlant de faire honneur à l'Union Jack qui les pousse un peu plus loin que les autres – jusqu'à atteindre, stoïquement, les territoires mortels du déraisonnable.
Depuis dimanche 24 janvier, le livre d'or des martyrs de la royale Albion compte une nouvelle signature. Henry Worsley avait 55 ans. Cet ancien militaire s'était mis en tête de traverser l'Antarctique en marchant sur les traces d'Ernest Shackleton (1874-1922), légende britannique s'il en est, compagnon d'aventure du héros national Robert Scott puis soliste à répétition dans ces contrées glacées. Il y a quasiment un siècle, Shackleton avait échoué dans sa tentative de traversée du continent avec passage par le pôle Sud. En allant jusqu'au bout du même voyage, Henry Worsley voulait être le premier à réaliser l'exploit en solo intégral et sans assistance. Il est mort d'épuisement après 71 jours de marche – avec skis et traîneau – et 1469 kilomètres d'une progression très difficile (jusqu'à moins 44 degrés celsius certains jours), alors qu'il ne lui restait plus que 48 km à parcourir.
Tomber si près du but, ça ne vous rappelle rien ? Mais si : Robert Scott justement. Le grand perdant du pôle Sud, coiffé au poteau par la brillante (et mieux organisée) expédition norvégienne du froid stratège Roald Amundsen. Le malheureux Scott et ses hommes, arrivés au pôle quatre à cinq semaines après leurs rivaux scandinaves, étaient morts de froid, d'épuisement et de faim en mars 1912, pendant le chemin du retour, les derniers survivants s'effondrant à moins de vingt kilomètres d'un dépôt de provisions qui leur aurait sauvé la vie.
Dans les lettres laissées à la postérité, Scott avait admis que l'idée même de la défaite – inimaginable pour un Anglais ? – avait entaillé les esprits autant que le froid extrême.
Douze ans plus tard, en juin 1924, George Mallory et Andrew Irvine plongeaient eux aussi dans la tragédie, mais cette fois à plus de 8000 mètres d'altitude. Ces deux fous de montagne battant pavillon anglais, obsédés par l'Everest depuis des années, ont-il atteint le toit du monde lors de leur deuxième tentative, avec leurs chaussures à clous, leurs cordages et piolets rudimentaires, déjouant tous les pronostics ?
On ne le saura jamais : en 1999, on a retrouvé le corps de Mallory sur la face Nord, congelé, à 8290 mètres d'altitude. Et Irvine ? Disparu à jamais. Le 29 mai 1953, ce sont finalement un citoyen néo-zélandais, Edmund Hillary – à la tête d'une expédition britannique là encore ! – et son ami et sherpa le Népalais Tenzing Norgay qui prendront la montagne imprenable.
Aventuriers « biggers than life » (plus grands que la vie), les sujets de sa Gracieuse Majesté ne s'avouent jamais vaincus. Ou alors seulement dans leur dernier souffle.
Henry Worsley en 2011 sur la route empruntée par Roald Amundsen un siècle plus tôt au Pôle Sud.
Henry Worsley, héritier de ces géants du siècle dernier, avait un précieux joker en poche, cadeau technologique des temps modernes : un système connecté pour déclencher les secours. Il se résigna à l'actionner après avoir constaté qu'il n'avait plus la force de s'extraire de sa tente.
Mais son rapatriement express vers un hôpital de Punta Arenas, dans le Sud du Chili, n'aura rien changé à l'affaire : les médecins ont expliqué que quand Worlsey est arrivé sur la table d'examen, ses organes vitaux avaient quasiment cessé de fonctionner.
Même si l'expédition « Shackleton Solo 2015-2016 » avait été assez peu médiatisée – à peine 2350 followers sur Twitter –, la disparition de l'aventurier suscite une immense émotion en Grande-Bretagne. Le prince William, ami proche de Worlsey, s'est dit effondré.
Le « Duke of Cambridge » était le parrain de l'expédition ; les deux hommes s'étaient parlé au téléphone le jour de Noël, une semaine avant que l'ancien lieutenant-colonel n'atteigne et dépasse le pôle Sud. Celui-ci s'était réjoui de voir que l'appel aux dons pour l'organisation caritative The Endavour Fund, dont il faisait la promotion à travers son aventure, connaissait un succès grandissant : finalement, plus de 106 700 livres sterling auront été collectées en quelques semaines.
La gloire des aventuriers arrivant généralement à l'heure de leur trépas – et l'information circulant bien plus vite que l'homo-erectus monté sur skis nordiques ! –, le site Internet de l'expédition connaît actuellement une surcharge de connexions... Et quand enfin la page d'accueil s'affiche, c'est pour porter le triste message du rêve envolé : « Nous avons l'infinie tristesse de vous confirmer qu'Henry Worsley est mort le 24 janvier 2016 ».
http://lci.tf1.fr/monde/europe/decede-s ... 10156.html
"Mon sommet était juste hors de portée". Juste avant de mourir, l'explorateur britannique Henry Worsley,
décédé dimanche d'une fatigue extrême après 1.600 kilomètres parcourus dans le froid polaire,
avait réussi à envoyer un appel au secours.
Il voulait, comme son héros Ernest Shackleton il y a un siècle, traverser l'Antarctique en passant par le pôle Sud. L'expédition en solo d'Henry Worsley, 55 ans, vient de connaître une issue tragique.
Il faudra qu'un jour des médecins impartiaux se penchent sur cette question : pourquoi les citoyens britanniques sont-ils, depuis des siècles, les princes de l'aventure extrême, les champions des défis (presque) perdus d'avance ? Qu'ont-ils dans le sang, dans les gènes, dans l'âme, qui les aide ainsi – de William Baffin à David Livingstone – à repousser les limites du raisonnable pour être (ou espérer être) les premiers à fouler des terres vierges et réputées inatteignables ?
S'ils n'ont pas le monopole de l'expédition « pour la beauté du geste » (après tout, nous Français avons aussi nos seigneurs de l'extrême), les Anglais semblent avoir ce petit grain de folie supplémentaire, cette indéboulonnable foi en leurs capacités confinant à l'arrogance, et ce désir brûlant de faire honneur à l'Union Jack qui les pousse un peu plus loin que les autres – jusqu'à atteindre, stoïquement, les territoires mortels du déraisonnable.
Depuis dimanche 24 janvier, le livre d'or des martyrs de la royale Albion compte une nouvelle signature. Henry Worsley avait 55 ans. Cet ancien militaire s'était mis en tête de traverser l'Antarctique en marchant sur les traces d'Ernest Shackleton (1874-1922), légende britannique s'il en est, compagnon d'aventure du héros national Robert Scott puis soliste à répétition dans ces contrées glacées. Il y a quasiment un siècle, Shackleton avait échoué dans sa tentative de traversée du continent avec passage par le pôle Sud. En allant jusqu'au bout du même voyage, Henry Worsley voulait être le premier à réaliser l'exploit en solo intégral et sans assistance. Il est mort d'épuisement après 71 jours de marche – avec skis et traîneau – et 1469 kilomètres d'une progression très difficile (jusqu'à moins 44 degrés celsius certains jours), alors qu'il ne lui restait plus que 48 km à parcourir.
Tomber si près du but, ça ne vous rappelle rien ? Mais si : Robert Scott justement. Le grand perdant du pôle Sud, coiffé au poteau par la brillante (et mieux organisée) expédition norvégienne du froid stratège Roald Amundsen. Le malheureux Scott et ses hommes, arrivés au pôle quatre à cinq semaines après leurs rivaux scandinaves, étaient morts de froid, d'épuisement et de faim en mars 1912, pendant le chemin du retour, les derniers survivants s'effondrant à moins de vingt kilomètres d'un dépôt de provisions qui leur aurait sauvé la vie.
Dans les lettres laissées à la postérité, Scott avait admis que l'idée même de la défaite – inimaginable pour un Anglais ? – avait entaillé les esprits autant que le froid extrême.
Douze ans plus tard, en juin 1924, George Mallory et Andrew Irvine plongeaient eux aussi dans la tragédie, mais cette fois à plus de 8000 mètres d'altitude. Ces deux fous de montagne battant pavillon anglais, obsédés par l'Everest depuis des années, ont-il atteint le toit du monde lors de leur deuxième tentative, avec leurs chaussures à clous, leurs cordages et piolets rudimentaires, déjouant tous les pronostics ?
On ne le saura jamais : en 1999, on a retrouvé le corps de Mallory sur la face Nord, congelé, à 8290 mètres d'altitude. Et Irvine ? Disparu à jamais. Le 29 mai 1953, ce sont finalement un citoyen néo-zélandais, Edmund Hillary – à la tête d'une expédition britannique là encore ! – et son ami et sherpa le Népalais Tenzing Norgay qui prendront la montagne imprenable.
Aventuriers « biggers than life » (plus grands que la vie), les sujets de sa Gracieuse Majesté ne s'avouent jamais vaincus. Ou alors seulement dans leur dernier souffle.
Henry Worsley en 2011 sur la route empruntée par Roald Amundsen un siècle plus tôt au Pôle Sud.
Henry Worsley, héritier de ces géants du siècle dernier, avait un précieux joker en poche, cadeau technologique des temps modernes : un système connecté pour déclencher les secours. Il se résigna à l'actionner après avoir constaté qu'il n'avait plus la force de s'extraire de sa tente.
Mais son rapatriement express vers un hôpital de Punta Arenas, dans le Sud du Chili, n'aura rien changé à l'affaire : les médecins ont expliqué que quand Worlsey est arrivé sur la table d'examen, ses organes vitaux avaient quasiment cessé de fonctionner.
Même si l'expédition « Shackleton Solo 2015-2016 » avait été assez peu médiatisée – à peine 2350 followers sur Twitter –, la disparition de l'aventurier suscite une immense émotion en Grande-Bretagne. Le prince William, ami proche de Worlsey, s'est dit effondré.
Le « Duke of Cambridge » était le parrain de l'expédition ; les deux hommes s'étaient parlé au téléphone le jour de Noël, une semaine avant que l'ancien lieutenant-colonel n'atteigne et dépasse le pôle Sud. Celui-ci s'était réjoui de voir que l'appel aux dons pour l'organisation caritative The Endavour Fund, dont il faisait la promotion à travers son aventure, connaissait un succès grandissant : finalement, plus de 106 700 livres sterling auront été collectées en quelques semaines.
La gloire des aventuriers arrivant généralement à l'heure de leur trépas – et l'information circulant bien plus vite que l'homo-erectus monté sur skis nordiques ! –, le site Internet de l'expédition connaît actuellement une surcharge de connexions... Et quand enfin la page d'accueil s'affiche, c'est pour porter le triste message du rêve envolé : « Nous avons l'infinie tristesse de vous confirmer qu'Henry Worsley est mort le 24 janvier 2016 ».
http://lci.tf1.fr/monde/europe/decede-s ... 10156.html
"Mon sommet était juste hors de portée". Juste avant de mourir, l'explorateur britannique Henry Worsley,
décédé dimanche d'une fatigue extrême après 1.600 kilomètres parcourus dans le froid polaire,
avait réussi à envoyer un appel au secours.